2 bartenders de Montréal nous confient leur réalité différente en tant qu'homme VS femme

Même métier, mais deux quotidiens assez différents!

Verre d'alcool.

Verre d'alcool.

Animée et vivante, la ville de Montréal regorge de restaurants et de bars presque à chaque coin de rue. Dès que la nuit tombe, la métropole tout illuminée se transforme et bientôt l'on peut apercevoir des files de personnes impatientes de rentrer à leur adresse préférée. Dans ces lieux, elles pourront décompresser, s'amuser et, pourquoi pas, même flirter jusqu'au petit matin.

Malgré la panoplie de clients et de clientes qui entrent et sortent des établissements de la ville, l'industrie des bars reste tout de même bien mystérieuse. Narcity s'est entretenu avec un barman et une barmaid de deux des bars les plus populaires de Montréal, soit Rosemarie de l'Appartement 200 et Olivier du Name's On The Way, afin de démystifier les mythes et la réalité de ce métier aussi festif qu'éreintant. Existe-t-il une différence de travail pour les femmes vis-à-vis des hommes?

Avec huit ans d'expérience sous la cravate, Rosemarie a fait ses marques dès ses 18 ans dans l'industrie. Elle a travaillé, entre autres, comme bottle girl et comme barmaid à l'Appartement 200, un club du boulevard Saint-Laurent bien connu des noctambules. Olivier, lui, a été gérant et barman du resto-bar de la rue Rachel, le Name's, où il a d'ailleurs travaillé durant quatre années. Il cumule près de sept ans dans le milieu.

Comment trouves-tu que la clientèle agit envers les bartenders en général?

Olivier : « Il y a beaucoup de clients réguliers, donc ce qui était l'fun c'est que les gens reconnaissaient leurs bartenders qui les avaient bien servis dans le passé. […] Parfois, il y a des clients qui mettent leurs mains dans nos faces pour attirer notre attention, mais nos bartenders (au Name's) étaient assez rapides à leur dire. Dans un bar qui roule, il y a tellement de gens qui attendent que ça ne sert à rien de faire ça. […] Sinon, honnêtement, les gens sont patients et ils viennent vraiment faire la fête. […] Je pense que le bartender, c'est la personne qui les aide à faire cette fête-là, donc les gens sont assez respectueux avec eux. C'est la personne qui te sert et qui va te permettre de passer une belle soirée au final. »

Rosemarie : « C'est vraiment partagé. Il y a des gens qui ont beaucoup de jugements sur cette industrie-là, mais autant qu'il y a du monde qui viennent au bar pour vraiment passer un bon moment et se faire des amis. »

Est-ce facile de développer une amitié avec la clientèle?

Rosemarie : « Nous, c'est un peu notre job de créer une complicité avec les clients. En fait, c'est quasiment le 3/4 de notre job. […] C'est faire du social et être pétillante. »

Olivier : « Il y a vraiment une relation qui s'installe, ça, c'est certain. […] Dans beaucoup de bars qui roulent, on pousse vraiment les bartenders à fidéliser leur clientèle. Les gens vont revenir souvent, amener des amis et montrer qu'ils connaissent l'équipe et c'est cool. […] Ça rend l'expérience plus facile, plus intéressante. Ça t'enlève le sentiment d'être un parmi tant d'autres dans une foule de 200 personnes. »

Dirais-tu qu'il existe un traitement différent des femmes vs des hommes bartenders?

Olivier : « Honnêtement, que ce soit homme ou femme, je pense que c'est plus ce que la personne dégage. […] Il y a des bartenders qui sont plus party qui vont déconner et niaiser. […] Il y en a d'autres que tu le vois dans leurs regards qui sont plus séducteurs (gars ou filles) avec les clients et là peut-être que les filles vont aller plus cruiser ce genre de gars là. Même chose pour la fille qui est plus tranquille, elle va moins se faire cruiser que celle qui a un gros sourire et qui donne des câlins à tout le monde et donc qui a l'air plus approchable. Les gens traitent différemment les bartenders en fonction de ce qu'ils dégagent dans leur personnalité derrière le bar. »

Rosemarie : « J'aurais tendance à dire que oui. J'ai l'impression que les (clients) hommes sont souvent plus en mode cruise que les filles en général ou peut-être que c'est parce que leur jeu de séduction est plus apparent, qu'ils sont plus game et donc plus entreprenants que les filles? »

As-tu l'impression que les femmes bartenders se font plus ou moins « tipper » que les hommes?

Le pourboire est encore aujourd'hui source de débats au Québec. Alors qu'il semble exister un flou quant au montant à donner à la personne derrière le bar, Rosemarie et Olivier sont sans équivoque, c'est minimum 15 %.

« La personne qui est au bar est payée en dessous du salaire minimum. Après ça, elle est imposée sur ses ventes au niveau de son pourboire. […] Tu as aussi une cote qui est envoyée à l'équipe de support (cuisine, busboy, etc.), alors ce qui reste dans les poches des gens qui t'ont servi, c'est beaucoup moins que ce que tu leur as donné », explique Olivier.

Il semble y avoir toutefois une différence entre le pourboire accordé aux femmes comparativement aux hommes selon Rosemarie : « Si le client ne t'aime pas, j'ai l'impression que c'est plus facile quand c'est une fille qui le sert de lui infliger zéro pourboire. […] J'ai remarqué que souvent les filles (qui travaillent derrière le bar) ont plus de difficulté à s'affirmer lorsqu'un client ne tip pas. […] J'ai l'impression qu'un gars, c'est plus facile de s'affirmer des fois donc le monde sont moins gênés de faire ça avec les femmes. »

As-tu déjà eu une très mauvaise expérience avec un ou des clients?

Avec des gens qui consomment de l'alcool, la limite peut être rapidement dépassée. Bien que l'esprit soit à la fête, il peut arriver certains épisodes déplaisants et même dangereux pour les employé.es du milieu de la restauration et des bars. Rosemarie et Olivier ont vécu tous deux des expériences désagréables avec des clients ou clientes, malgré tous les bons souvenirs.

Rosemarie : « Je me suis déjà fait cracher dans le visage. […] À l'Appartement 200, j'ai aussi été aux bouteilles (bottle girl), alors je me promenais beaucoup sur le plancher et il y en a qui ont les mains baladeuses », indique la jeune femme. Rosemarie continue l'entrevue en racontant qu'un client l'a déjà attouchée sexuellement lorsqu'elle marchait justement avec les bouteilles. Elle l'a tout de suite confronté et ses gérants ont mis le client à la porte en s'assurant de prendre son nom afin qu'il ne revienne plus dans l'établissement.

« J'ai la chance que mes employeurs soient vraiment sévères avec ça. […] À l’Appart, je me suis tout le temps sentie en sécurité et épaulée parce que justement il n’y a aucune tolérance pour ça. […] J'ai peut-être été choyée, car j'ai tout le temps senti que j'étais en sécurité. »

Olivier : « Il y a du monde qui sont agressifs au bar, qui veulent se faire servir rapidement. Ils passent devant du monde, les tassent, ils mettent leur main dans ta face et crient leur commande. […] C'est un comportement qui ne va pas te permettre de mettre le bartender de ton bord. »

« Les gens agressifs avec les serveurs, je pense qu'à ce moment-là ce n'est pas que c'est un gars ou une fille qui te sert le rapport, c'est juste la personne qui est un peu problématique », ajoute-t-il.

As-tu l'impression que c'est un métier qui est plus dangereux pour les femmes que pour les hommes? 

Rosalie : « 100 %. J'imagine qu'il y a des gars que quand ils marchent, ils se font toucher les fesses par les filles, mais ce n'est pas la même chose. Ça reste que dans les bars, ce sont des gens qui ont consommé et le harcèlement est omniprésent et le 3/4 du temps c'est homme envers femme. Il ne faut pas banaliser le harcèlement envers les hommes non plus. […] N'importe quelle fille qui a travaillé dans un bar va te le dire et aux bouteilles, encore plus! »

La jeune femme a aussi mentionné s'assurer d'être accompagnée de ses collègues pour revenir à sa voiture après la fermeture à 5 h du matin. Elle souhaite que cette facette plus sombre de l'industrie soit moins chose courante et que celle-ci soit prise au sérieux par tous et toutes.

« J'ai des amies qui travaillent dans d'autres bars et j'ai l'impression qu'on banalise trop ça [le harcèlement]. Moi, j'ai eu la chance d'être bien entourée. J'ai adoré mon expérience et j'aimerais ça qu'une autre fille puisse vivre la même chose. Qu'elle ne se sente pas mal de dire des affaires à son patron, de mettre son pied à terre par rapport au comportement des hommes envers elle. »

Olivier : « Je crois qu'il y a un aspect plus risqué pour une fille qu'un gars. S'il y a une serveuse qui se promène dans le bar, ça se peut qu'il y ait des gens qui soient déplacés. Mais ça arrive aussi avec des gars qui se font pogner les fesses par exemple. […] Mais je crois que la fille sera peut-être moins outillée pour répliquer. […] Elle va peut-être se sentir moins à l'aise de se retourner et de dire quelque chose et ça, je trouve ça malheureux parce que personne ne devrait se sentir pas en sécurité sur son milieu de travail. »

Qu'est-ce que tu trouves le plus difficile dans ce métier? 

Rosemarie : « Ça te brûle quand même de te coucher à 5 h du matin et de te réveiller à 9 h. [..] C'est d'essayer de garder une routine équilibrée. Étonnamment, je n'ai jamais aussi peu bu qu'en travaillant dans les bars, tu n'as pas le temps. […] La routine laisse à désirer, mais ça en vaut la peine. »

Olivier : « C'est sûr que ce sont de longues heures, mais moi j'avais du fun! Mais c'est plus dur d'avoir une vie à l'extérieur avec tes amis. Tu es dans un monde où tu travailles quand les gens s'amusent. Si tu n'es pas prêt à faire ce sacrifice-là, ce n'est pas une industrie qui est pour toi. Mais au final, tu travailles dans une ambiance qui est toujours festive. »

Qu'est-ce que tu aimes le plus de ce travail?

Rosemarie : « J'aime ça rencontrer le monde. […] Tu bâtis tout le temps aussi une belle ambiance avec ton équipe. […] Maintenant que je ne suis plus dedans, ça me manque quand même. Les gens qui viennent au bar sont de bonne humeur et sont contents d'être là, la musique est bonne, le monde danse. Le sentiment est incroyable. »

« Vous ne pouvez pas comprendre si vous n'êtes pas là-dedans. […] Les gens ont souvent le préjugé qu'on se défonce chaque soir, qu'on fait plein d’argent, mais ce n'est pas ça. […] L'industrie fait grandir, tu en apprends beaucoup sur toi. Tu rencontres des gens extraordinaires et tu finis par te construire un réseau de contacts impressionnant », souligne-t-elle avec enthousiasme.

Olivier : « Il y a vraiment une chaleur humaine en accueillant les gens. […] De bonnes expériences, il y en a beaucoup. […] C'est de voir les gens qui reviennent semaine après semaine, qui te saluent et qui ont envie de revenir dans ton bar. Je crois que c'est un peu pour ça qu'on fait ça. »


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